Instantanés... Photos et billets au fil du temps


Guangzhou. Cité alpha. Parler en nombre d'habitants n'a plus de sens. Modernité totale. Archaïsme absolu. Point nodal des connexions. Foire commerciale où tout se vend, s'achète, se fabrique et s'invente. Monde réel et numérique, intimement entrelacés et entre les deux, l'interstice où se prolongent les traditions. D'un bloc de futur à l'autre, le bon peuple se déplace en vélo réinventé, électrisé, miniaturisé, cheval de trait ou fusée, l'enfant unique en tête de proue.

Guangzhou. Monstre frénétique, juché sur son deux roues.

 

Guangzhou -Chine (2020)

Bon, c'est le moment, a-t-il dit. Mon dragon vient me chercher. Le vôtre ne devrait plus tarder. En attendant, faites attention, prenez soin de vous: mangez équilibré et buvez avec modération. Ces bêtes là ont l'estomac fragiles. Si vous n'êtes pas à leur goût, ils vous mastiquent à petit feu, au lieu de vous gober d'un coup. J'en ai même vu certains recracher leur proie. Pas beau à voir, croyez moi. Vous n'avez pas peur, ai-je encore demandé? Il a baissé les yeux. Si, a-t-il dit. Un peu. J'ai toujours eu peur de décevoir.  

 

Yangshuo -Chine (2019)

Nous arpentions la mangrove, dans la partie sud du Bangladesh, vaste espace d'eau et de terre à palétuviers, où survivent les derniers tigres du Bengale.

On raconte que le félin, à tout moment, peut vous bondir dessus. Les quelques villages qui bordent le delta en savent quelque chose. Le tigre rôde, invisible, présent, menace lourde aux abords des rizières qui prélève régulièrement son paysan.

Un ranger et son fusil nous accompagnaient.

Pour nous protéger du tigre, on nous avait jeté dans les pattes du vieux lion.

 

Sunderbans - Bangladesh (2014)

Sans doute attendais-tu d'autres visages, plus avenants. J'en avais, il est vrai, plein mes bazars, sur mes trottoirs, en ce jour de fête municipale. Le maïs fermenté et le cœur grillé de vache aidant, sans doute mes habitants auraient consenti à tes indiscrétions.

Mais j'ai mis sur ta route ma sœur jumelle. Mon reflet fidèle file sans te voir, solitude pressée parmi les noceurs. Sous son chapeau en gaz d'échappement, l'indigente indigène va son chemin en regardant ses pieds.

 

La Paz, Bolivie (07-2018)

- Trash news, a-t-elle dit, avant de m'arracher des mains les feuilles de chou. 

Elle en fit une soupe douce-amère qu'elle enfonça goulument dans son gosier de poubelle municipale.

On entendit un temps les hoquets d'une pénible déglutition.

Ainsi délesté, je pouvais me lancer dans les rues de Bogotá.   

 

Bogotá - Colombie  (03-2018)

Je prends en stop ce paysan qui cheminait sur les routes du pays Quiché, région montagneuse du Guatemala.

Rendu à sa destination, il m'autorise à le prendre en photo. Il m'offre alors son plus beau sourire édenté.

Une photo, puis deux. C'est alors qu'il ferme les yeux, longuement. Et je ressens soudain son plaisir, la jouissance d'un instant  pris sur les jours de labeur et de fatigue.

Même volets clos, les yeux demeurent les fenêtres de l'âme.

  

Todos Santos - Guatemala  (11/2017)

Je ne vais pas bouder mon plaisir!  Suite à ma série "Under Nation" réalisée dans le métro parisien durant l'été 2017, les élèves de terminale du lycée français Antoine et Consuelo de Saint-Exupéry, au Salvador, se sont emparés de mon travail pour imaginer les chorégraphies présentées au baccalauréat.

 

J'ai eu la chance d'assister à leurs performances et de pouvoir réaliser quelques clichés. Quel bonheur de voir son travail s'émanciper, repris par d'autres et rebondir, de voir ses idées réinventées au carré!

 

Merci à eux pour cette vivifiante rencontre artistique. 

 

Lycée français - El Salvador (2018)

Mon rêve américain est fait de sequoias, de canyons et de déserts.

Mon rêve américain tourne vite le dos aux miasmes de San Francisco.

Il part sur les routes, entre la Californie et le Colorado. Il s'arrête pour dormir dans des villes sans charmes. Il aperçoit Vegas qui palpite au loin. Il songe déjà aux plaines Navajos.

Il roule, dévore les miles qui le séparent des prochains sequoias, des canyons et des déserts.

 

Mon rêve américain garde les pieds sur terre. C'est bien assez vaste comme ça.

 

Death Valley - USA (2018)


Ces yeux me fascinent et me troublent depuis longtemps. C'est un regard adolescent, celui d'une jeune femme que je croisais lors d'un voyage effectué au nord-ouest du Bangladesh, sur ces îles de sable qu'on appelle les chars et qui se font et se défont au grès de l'humeur du fleuve Jamuna.  

Je prenais quelques photos de ces îlots malmenés quand elle est arrivée. Elle riait. Un rire effronté. Rien de ce que j'étais, de ce que je faisais ne semblait l’impressionner. Quand j'ai levé mon appareil pour la photographier, elle n'a pas cillé. Elle a planté au contraire son regard, droit sur l'objectif, comme un défi fait à l'homme blanc que je suis, au monde qui vient, à l'humeur mauvaise du fleuve avec qui elle vit.  

 

Bangladesh (2014)

J'arpente le marché de San Cristobal de las Casas quand soudain, dans l'allée, ce petit garçon me barre le chemin. Il veut que je le prenne en photo. Il fixe l'objectif avec sérieux. Son regard exige mon application. Je fais de mon mieux avec mon appareil pour lui dessiner son mouton.

 

Chiapas - Mexique (2017)


"Le corps habité", une expo au Lycée français de san salvador

Une matinée d'heptathlon, une matinée d'athlétisme à l'école. Courir, nager, lancer, sauter et à chaque fois, habiter son corps. Contrôler son geste, maîtriser l'émotion. La performance n'est qu'un prétexte. Le bénéfice est ailleurs: l'empire sur soi-même.

Ces images répondent à la question: en quoi le sport nous libère?

 

Remerciements chaleureux à Florianne Guimard et Nicolas Dally, organisateurs de l'évènement.

 

Santa Tecla - El Salvador (06-2018)


Dessin réalisé par Julien Hauet, d'après une photo prise au Bangladesh, en 2015. 

Je vous invite chaleureusement à visiter son univers: L'atelier JH